Personne qui ne se lave : pourquoi et quel nom lui donner?

30 000. C’est, chaque année en France, le nombre de personnes concernées par un trouble du comportement qui pousse à délaisser radicalement l’hygiène du corps et du foyer. Ni l’âge, ni le statut social ne servent de filtre : retraités isolés, adultes insérés, personne n’est à l’abri.

Ne pas se laver régulièrement ne résulte pas toujours de la précarité ou d’un choix assumé. Les raisons, souvent ignorées, plongent dans la sphère médicale ou psychologique. Pourtant, des dispositifs existent, trop peu sollicités, la honte, la peur du regard ou le manque d’informations freinant bien des démarches.

Comprendre le syndrome de Diogène : bien plus qu’un simple manque d’hygiène

Le syndrome de Diogène dépasse largement la simple question de la toilette ou de la négligence occasionnelle. Ce trouble, identifié dans les années 1970, entraîne bien souvent une accumulation compulsive d’objets, voire de rebuts, et un isolement social marqué. L’habitat se transforme alors, saturé d’affaires ou de détritus, jusqu’à gommer toute notion d’hygiène corporelle. Il suffit de se souvenir du cas retentissant des frères Collyer à New York pour mesurer l’ampleur du phénomène : vivre dans l’insalubrité la plus totale sans en avoir conscience.

Le syndrome de Diogène modifie les repères : la perception du danger, le rapport aux soins, tout vacille. Certains vont jusqu’à recueillir massivement des animaux, notamment des chats, on parle alors de syndrome de Noé ou d’animal hoarding. Les frontières entre syllogomanie (accumulation d’objets) et rejet de l’hygiène deviennent floues. On définit ainsi le syndrome de Diogène par trois caractéristiques imbriquées :

  • négligence de soi
  • refus d’aide
  • rupture du lien social

Longtemps cantonné à la vieillesse, ce trouble touche aussi des adultes jeunes, parfois très intégrés en apparence. Les études révèlent combien les diagnostics passent sous les radars : la honte verrouille l’accès aux soins, la solitude isole. Derrière la figure stigmatisée du « sale », c’est une véritable détresse qui se cache, bien plus complexe qu’une affaire de propreté.

Pourquoi certaines personnes cessent-elles de se laver ? Les causes et facteurs de risque

Arrêter de prendre soin de soi ne relève pas d’un simple égarement. Des troubles obsessionnels compulsifs, des troubles de l’humeur ou encore des maladies neurodégénératives comme Alzheimer se cachent souvent derrière ce retrait. Chez les aînés, le self neglect elderly s’inscrit dans une dynamique globale de négligence, où perte de repères, repli et parfois dépression s’entremêlent.

Certains troubles psychiatriques, schizophrénie, psychoses, bouleversent la vision du corps, du risque, de l’hygiène. Des patients atteints du syndrome de Korsakoff, souvent en lien avec l’alcoolisme chronique, perdent leur autonomie au fil du temps. Le retrait progressif, l’isolement, expriment une souffrance psychique ou cognitive qui échappe au simple choix.

La coupure avec l’entourage aggrave la situation. Privée de sollicitations extérieures, la personne se crée de nouvelles habitudes, s’installe dans une routine où la négligence devient la norme. Les causes sont multiples, comme le montrent les études cliniques :

  • troubles obsessionnels compulsifs (TOC)
  • dépression sévère
  • démences (Alzheimer, fronto-temporale)
  • psychoses, schizophrénie
  • addictions, dont l’alcoolisme

Le trouble comportemental s’installe lentement. Les proches évoquent une évolution discrète, un éloignement progressif, un effacement du lien. L’hygiène, ou plutôt son absence, signale alors une fragilité bien plus profonde.

Quels signes doivent alerter et comment réagir face à un proche concerné

Le syndrome de Diogène ne saute pas toujours aux yeux. Certains signes, d’abord diffus puis plus marqués, alertent pourtant l’entourage : refus de se laver, accumulation d’objets ou de détritus, insalubrité grandissante. L’isolement social se creuse, la personne décline les visites, refuse l’aide, même celle des proches ou des voisins.

La dégradation du logement devient un indice flagrant : odeurs persistantes, vêtements souillés, vaisselle qui s’accumule, ou présence d’animaux en nombre. Les proches parlent parfois d’une impression d’abandon, d’un déni total. Le refus d’aide s’installe durablement, et la santé se détériore, jusqu’à l’apparition de problèmes dermatologiques ou infectieux.

  • retrait du cercle social
  • troubles du comportement nouveaux
  • réponses tardives ou inhabituelles aux sollicitations
  • désorganisation du quotidien

Face à ces signaux, il s’agit d’agir sans brusquer. Écouter, observer, rester présent : la confiance se construit dans la durée. Proposer une aide concrète, adaptée à la situation, facilite le premier pas. Si besoin, solliciter un médecin généraliste, un travailleur social ou une association spécialisée peut faire la différence. Le diagnostic du syndrome de Diogène repose sur un travail d’équipe : il engage la santé physique, le respect de la personne et le maintien du lien social.

Jeune femme assise seule sur un banc dans un espace vert urbain

Accompagner et soutenir : solutions concrètes et recours à l’aide professionnelle

Lorsqu’une négligence de l’hygiène s’installe dans la durée, la mobilisation de ressources adaptées s’impose. Les professionnels de santé, médecin traitant, psychiatre, équipe mobile gériatrique, interviennent en première ligne. Déterminer s’il s’agit d’un syndrome de Diogène oriente ensuite la prise en charge, souvent sur plusieurs fronts.

Les thérapies comportementales et cognitives (TCC) apportent des solutions dans certains cas, notamment en présence de TOC ou d’accumulation. Ce travail de fond exige du temps, de l’investissement, de la constance. Lorsque le logement devient invivable, le recours à une entreprise de nettoyage spécialisée s’avère parfois nécessaire, toujours dans le respect de la dignité de la personne.

  • évaluation des risques biologiques et chimiques : bactéries, moisissures, parasites
  • soutien psychologique au patient et à ses proches
  • coordination avec les travailleurs sociaux pour envisager un hébergement adapté, comme une entrée en Ehpad si rester chez soi n’est plus possible

La prise en charge conjugue donc soins médicaux, appui social et mesures pour restaurer l’environnement de vie. Les familles, souvent désemparées, trouvent un appui auprès de structures spécialisées, que ce soit en France ou au Canada. Face au diogène trouble, il n’existe pas de solution unique, mais un chemin à tracer, ensemble, pas à pas.

Reste cette réalité : derrière la porte close, il y a toujours une histoire, une souffrance, un combat. Savoir la nommer, c’est déjà commencer à la reconnaître.